Apparition sur le sable

Des fines poussières blanches et orangées montèrent de la plage de la Baie Earanaë Alcalimon.

Puis ces particules se firent plus denses et plus nombreuse jusqu'à former l'image inaboutie d'un corps, d'abord très trouble et aux contours indéfinis.

Et, peu à peu, l'apparition se fit plus précise.

Une jeune elfe à la longue et ondulée chevelure rousse se tenait debout près des flots océaniques.

La rouquine aux yeux gris-bleu semblait à la fois exténuée et soulagée.

Elle s'écroula presque sur le tapis de sable et s'y allongea de longs instants, fixant les flux et reflux des vagues.

Elle se releva lentement.

Ayant pris dans sa main claire une poignée de sable, l'elfe observa les petits grains jaunes pâles glisser le long de ses doigts fins.

Puis elle s'approcha de l'eau tumultueuse, y enfonçant ses pieds nus...

Et la rouquine avança dans les vagues jusqu'aux chevilles, son regard gris-bleu admirant l'infinité de l'océan qui lui faisait face.

Les rouleaux fouettaient ses jambes, trempant légèrement sa tunique verte émeraude de leur humidité salée.

La jeune elfe inspira profondément, semblant savourer l'odeur de cette nouvelle eau sauvage.

Puis, toujours à la même place, elle se retourna, admirant la nature grandiose de l'île.

Elle resta ainsi longtemps à contempler ce majestueux et impressionnant paysage qui lui semblait inconnu.

Puis la rouquine quitta les flots, traversa l'étendue de sable et se dirigea vers les quelques baraques en bois formant le petit village.

L'elfe rouquine parvint au chemin de pierre qui traversait le petit village.

Elle s'arrêta quelques instants devant la porte vermoulue à la peinture écaillée et respira avec attention...l’odeur acre de tabac mêlée de transpiration et d'odeurs de boissons fermentées et distillées sembla la renseigner sur la nature de la petite bicoque en bois, avant même qu'elle ne tente d'y pénétrer...

La jeune elfe aux pieds nus continua le long des pierres, de baraques en baraques, jusqu'à ce qu'elle arrive jusqu'à ce qui lui parût être une échoppe. Elle y entra, puis en ressortit, bien plus équipée qu'elle y était entrée.

Un grand cocotier sembla avoir attiré son attention, car la rouquine s'y dirigea, quittant la fermeté de la pierre pour la mollesse de la plage, le rejoignit, et s'assit en s'adossant contre son stipe, à l'ombre de ses grandes palmes.

L'elfe rousse déposa ses acquisitions près d'elle : un dague grise claire, une fronde en cuir ocre et une hachette grise foncée au manche de bois noir.

Du ruban couleur émeraude brodé de lierres entourant sa taille harmonieuse, elle sortit gracieusement quelques fibres blanches et une aiguille.

Et l'elfe commença paisiblement à travailler l'apparence de ses trois nouveaux objets...brodant le cuir de la fronde, gravant la dague avec l'angle le plus aiguisé de la hachette, et creusant délicatement le métal de la hachette avec la pointe de la dague.

Cela faisait maintenant une bonne semaine et demie qu’Anaëlle était rentrée de mission avec ses compagnons d’aventure pour le compte d’Orgulas. Le tavernier avait sa cigüe et ils étaient tous revenus saufs, bien que l’un d’entre eux se trouve en convalescence pour les blessures de gravité moyenne reportées.
Bref, dans l’ensemble ce fut un succès. De plus, l’établissement de la cartographie de l’île venait de s’enrichir de quelques détails supplémentaires. C’était d’ailleurs bien là que la Paladine trouvait la source du plaisir électrisant qu’elle éprouvait pour ce quelle faisait : la découverte !

Elle se rendait justement vers la bibliothèque pour y archiver ses cartes dûment mises à jour, lorsque son regard fut attiré au loin par le mouvement fluide d'une longue chevelure rousse. Elle crut d’abord reconnaître Lilibeth, la serveuse de la taverne. Mais elle se ravisa immédiatement. Cheveux trop longs, et la figure qui lui tournait le dos en pénétrant dans l'armurerie était trop petite pour lui appartenir.

Le village étant plutôt modeste, ses habitants se connaissaient pratiquement tous...

Intriguée, la paladine se mit en retrait. L'attente fut de courte durée.
La porte se rouvrit sur une elfe. Du moins c'est ce qu'en déduisit Anaëlle observant de trop loin le port et la démarche de la jeune nis, tandis que cette dernière prenait le chemin vers l'océan. Seul les ressortissants des territoires du peuple premier, comme ils aimaient se définir, avaient cette grâce naturelle et raffinée.

Qui était-elle? D'où venait-elle? Quand était-elle arrivée? Par quel moyen?
Un flot de questions auxquelles l'étrangère allait bientôt devoir se confronter à plusieurs reprises, le moment venu.
Mais pas aujourd'hui.

Devant la nis à présent assise, l'étalage d'un armement léger. Bien trop inconsistant pour les lieux.
L'inconnue n'appartenait donc pas à une classe belliqueuse. Ce qui réconforta la paladine donc les traits du visage se détendirent immédiatement.

Le temps était venu pour Anaëlle d'annoncer sa présence.
Pour cela, elle fit appel aux quelques paroles elfiques de salutation pour lesquelles elle remercia mentalement Alkril le barde.

Aya Heri,...

Ne voulant bousculer la nis qui était tout de même armée, alors qu'elle pour une fois ne l'était pas, elle ne s’arrêta pas arrivée à sa hauteur, passant son chemin sans chercher de contact direct de ses yeux. Elle s’arrêta enfin là où les vagues commencèrent à creuser le sable autour de ses pieds, préalablement déchaussés de leurs sandales.

Face à la mer, le regard pendu à l'horizon, elle laissa le silence s'installer quelques secondes.
Une brise tiède jouait en alternance entre ses mèches blondes et les plis de voile léger de sa robe ambrée, découvrant ci et là à tour de rôle au travers de l'étoffe la perfection d'un corps athlétique aux muscles finement prononcés. Une élégance toute féminine faussement fragile.

La nis comprendrait-elle le langage des humains?

Un tableau magnifique et apaisant, n'est ce pas? 

(NOTE: Pour donner une meilleure idée de la légèreté de la robe: http://img.wxcha.com/file/201605/20/7b3211cbb5.jpg

A la salutation dans le langage elfique, la rouquine leva tranquillement son fin visage clair.

A la vue de l'humaine à la magnifique chevelure blonde, à la démarche féline et emplie d'élégante droiture, les lèvre rosées de l'elfe aux yeux gris-bleu s'étirèrent en un gracieux sourire.

L'elfe regarda la belle blonde marcher en direction de l'océan, tout d'abord sans voix.

Les sandales de l'humaine étaient sur le sable, le silence...la contemplation de l'eau en cette journée ensoleillée et resplendissante, la brise tiède caressant les visages, et, jouant avec des voiles ambrés, les blondes mèches de cheveux, offrant à la vue de l'elfe rousse un spectacle d'une beauté encore jamais observée.

La rouquine laissa tout le temps au silence et à la saveur de ces instants.

Puis, sans bruit, voyant que la mystérieuse blonde n'était pas armée, la rouquine enfouit discrètement ses récentes acquisitions fraîchement ornées dans le sable, au pied du cocotier, égalisant les grains qui scintillaient au soleil de ses fines mains elfiques.

Puis l'elfe rousse répondit d'une voix douce et chaleureuse, presque chantante, toujours gracieusement assise à l'ombre contre le stipe.

"Bonjour Dame.

Oui, ce qui nous entoure est magnifique et apaisant en effet... Oh sans aucun doute...et...tellement changeant pour moi.

Que de nouveautés...vous êtes...humaine...je...crois ?

Si je ne me trompe pas en vous voyant, vous êtes la première humaine que je rencontre physiquement de toute ma vie.

Et, par un miracle extraordinaire...ici, je peux comprendre votre langage qui m'était ailleurs comme la plus épaisse des brumes.

Souhaitez-vous que je vous rejoigne près de cette eau ou préférez-vous rester seule dans votre contemplation de ce merveilleux infini ?"

En prononçant ces dernières paroles, la jeune elfe esquissa aussi un geste délicat et timide de sa main droite, la posant sur le sable qui l'entourait, comme une invitation muette à venir s'assoir à ses côtés à l'ombre des palmes si cela convenait mieux à la jeune humaine.

La jeune rouquine n'avait eu en effet aucun sursaut, elle semblait absolument apaisée et confiante...et...comme...soulagée, absolument sereine.

Ses grands yeux gris-bleu brillèrent d'une légère expression de surprise à l'observation du visage presque impassible de la magnifique humaine blonde, où pouvait à peine se sentir une très fine esquisse de méfiance.

L'elfe à la chevelure rousse sembla y être particulièrement réceptive et murmura, posant avec douceur son regard bleu-gris vers la parcelle de sable chaud où étaient temporairement enfouis ses récentes acquisitions :

"Pour la hachette, la dague et la fronde...elles représentent pour moi un appui nécessaire dans cette terre inconnue qui me semble si bellement sauvage...car ce sont des objets aux usages si divers qu'ils pourraient apporter certains services inattendus."

L'elfe sortit alors paisiblement ces trois objets du sable, très visiblement absolument ravie des ornements qu'elle y avait si soigneusement ajoutés.

Toute expression de surprise avait disparu de son fin visage clair, seul restait le sourire chaleureux.

Au moment précis où la blonde humaine prononça sa phrase :

"...Les elfes le sont."

Le visage de la jeune elfe au teint clair n'exprima aucun étonnement.
Mais une grande curiosité face à l'inconnu fut sensible dans l'ensemble de son attitude.

La surprise revint à la blonde, et la rousse fut à son tour fort surprise et un très léger rire d'une fraîche et absolument franche bonne humeur s'échappa de ses lèvres rosées.

L'elfe sembla comprendre ce qui perturbait si visiblement la fière humaine au corps superbement recouvert de fins voiles ambrés.

Et quand l'humaine aux yeux bleus rejoignit l'elfe à la longue chevelure rousse, s'arrêtant debout devant elle, la rouquine s'agenouilla, déposa avec une élégance des plus elfiques ses fines mains croisées sur le bas de ses cuisses, pencha lentement sa tête et sembla prier intensément quelques instants.

Puis l'elfe rouquine releva un visage radieux aux yeux pétillants et se mit debout d'un petit bond agile, attrapant au passage ses trois objets.

Et la jeune elfe noua la hachette gravée d'un soleil et d'un quartier de lune dans son dos avec des lianes savamment tressées de plantes variées et glissa la dague ornée d'une cascade gravée et la fronde brodée de fougères entre sa fine tunique verte émeraude et le ruban brodé de lierres blancs ceignant sa taille elfique.

Enfin la rouquine murmura à nouveau le plus naturellement et le plus sérieusement du monde ces paroles qui furent peut-être fort exotiques :

"Peut-être que le Révéré Oiseau Solaire et l'Adorée Vache Lunaire m'ont offert la grâce de pouvoir comprendre enfin le langage des autres êtres doués de paroles ? Peut-être même ont-ils offert ce don à tous en venant ici avec moi ?"

Cherchant à voir mieux les parchemins tenus par l'humaine mais n'y parvenant pas, les cartes étant enroulées sur elles-mêmes, l'elfe poursuivit :

"Vous êtes donc surement très érudite pour aller déposer des documents à une université..."

Son sourire s'étira tandis qu'une légère rougeur apparut sur ses claires joues elfiques à l'invitation de la belle humaine à l'accompagner et la rouquine conclut :

"Oui, Dame, j'aimerais beaucoup vous accompagner pour découvrir et visiter.

Combien de villages et de villes se dressent sur ce sol sauvage ?"

Lorsque la femme d'action se mordit la lèvre inférieure, l'elfe rousse sembla un peu comprendre, un peu...la rouquine secoua lors légèrement son fin visage clair en signe de négation, sa longue chevelure ondulée accompagnant ce mouvement avec grâce...comme si étrangement ces trois armes n'avaient pas véritablement été acquises avec l'intention de s'en servir pour combattre.

L'elfe aux yeux gris-bleu ne vit pas les joues de la blonde humaine se roser, trop concentrée dans sa ferveur et dévotion profondes pour l'Oiseau Solaire adoré et la Vache Lunaire vénérée.

Un poil trop fort ? Existe-il des limites à la foi ? La jeune elfe au bijou d'émeraude semblait tout de même en effet très atteinte par sa chère religion.

Puis la jeune elfe écouta attentivement les réponses de l'humaine vêtue de voiles ambrés, avec pudeur, ne la questionnant pas plus, comme respectant la réserve de la belle qui lui faisait face.

En écoutant la suite, la curiosité déjà présente dans les yeux de la rouquine s'intensifia...et elle murmura...

"Un volcan...sans doute est-il dangereux...mais ce volcan est surement aussi absolument superbe...

Je n'ai jamais contemplé de volcan de près...

Je viens...d'un domaine autrefois grandiose dont l'hospitalité, la grâce, la nature et la splendeur sombraient.

Vous êtes donc en charge de la sécurité..."

L'elfe rousse lui offrit alors un sourire discret.

Arrivées près du taudis abonné, la rouquine y courut, et, examinant à nouveau le lieu, inspira profondément...un nouveau murmure...

"Si cette habitation n'est pas la taverne actuelle...elle dut être l'ancienne, à ce que j'en ressens, en des temps oubliés...car des odeurs qui purent l'emplir jadis sont encore perceptibles pour moi en m'en approchant..."

C'est alors que la rouquine se retourna vivement, espiègle, et...continuant, portant le bleu-gris de ses yeux en direction du bien plus imposant bâtiment en pierre soigneusement entretenu :

"J'en suis enchantée pour son propriétaire, aubergiste et maître des lieux.

A présent...à qui...appartiennent les ruines de l'ancienne taverne ?

M'installer définitivement..."

Ses grands yeux elfiques parcoururent tous les détails de la nature magnifique et sauvage qui l'entourait, tandis qu'un fin soupir tranquille la traversa.

Une délicate inclinaison de visage, à la dernière phrase, à la fois d'acceptation et de gratitude.

"Merci"

Cet unique mot en réponse, mot si puissant prononcé seul. Mot aussi précieux dans sa simplicité même que le si chaleureux : "bienvenue".

Un très léger sourire dans les yeux bleus et sur les lèvres de la blonde humaine, et ce furent les joues de l'elfe rousse qui rougirent à leur tour...

Se ressaisissant, la rouquine demanda doucement et timidement :

"Dame, quel est votre nom ?
Ou comment souhaitez-vous que je vous nomme ?"

Selon les anecdotes d'Orgulas, le volcan cracherait sa fureur 2 à 3 fois par cycle solaire*;
Je suis ici depuis un peu plus d'une lune*, donc je ne l'ai encore jamais vu en pleine activité.
J'avoue cependant de ne pas partager la même curiosité que la votre à son égard, surtout au vu des rumeurs qui courent les rues de Bracegirdle.

Elle baissa la voix et rapprocha son visage de celui de la nis.

Selon une légende locale, il est dit que le volcan serait la porte de l'autre monde.

Puis se redressant

Ensuite, à chacun sa libre interprétation selon ses propres croyances...
Bien que...

Une fois de plus, voulant éviter d'accueillir la nis avec toutes ces histoires peu réconfortantes dont elle même était en partie responsable, la paladine laissa le sujet en suspend revenant sur celui de la taverne.

Vous avez entièrement raison quant à l'utilisation de cette vielle bâtisse.
Il s'agissait bien de la taverne originale d'Orgulas, avant que l'arrière salle ne prenne feu par accident.

La belle fit une petite pause de méditation

C'est du moins ce qu'il prétend...
Aujourd'hui, ces ruines sont totalement laissées à l'abandon. Il faudrait tout rasé avant de pouvoir reconstruire.

La nis fit écho à ses propres paroles, comme pour se convaincre de l'impossibilité de pouvoir revenir sur ses pas.
Regrettait-elle déjà le choix qui l'avait menée sur leur île?
L'émotion que l'on pouvait percevoir dans le ton de son remerciement en dit tout autrement.

Puis vint la question qui cella définitivement leur rencontre.
Cette fois, son visage s'illumina d'un sourire franc

Quelle maladresse de ma part, désolée, j'aurai du commencer par me présenter!

L'humaine tendit une main fine qui mal s'accordait avec sa classe, mais si bien avec le reste de son corps, prêté à recevoir celle de la nis pour l'enserrer en une poigne aussi ferme que sincère.

Je suis Anaëlle, unique paladin égaré de ces lieux.


*cycle solaire = 1 an (le temps pour le soleil de retrouver la même position par rapport aux étoiles)
*une lune = 28 jours (+ ou -)

Lorsque la bonde humaine lui expliqua le nombre des fureurs du volcan par cycle solaire, l'elfe rouquine porta le gris-bleu de son regard tout autour d'elle, plus intensément encore, comme pour chercher à apercevoir d'où elle se trouvait le sommet du mystérieux cracheur de feu.

Quand vinrent les paroles sur l'autre monde, l'elfe ne sembla pas posséder une idée très précise de ce que ces mots désignaient, car son regard se teinta d'interrogation.

Et la rouquine écouta dans un silence emprunt de pudeur la suite des réponses d'Anaëlle, très attentive, douce et respectueuse à chacune des pauses entre les phrases, semblant elle aussi méditer et réfléchir parfois.

L'attitude tranquille et sereine de la nouvelle apparue ne changea nullement lors de l'évocation des rumeurs inquiétantes, et de tout ce qui n'était pas encore dit mais se sentait entre les mots. Quelles noirceurs ou quelles clartés, si ce n'était tout à la fois, simultanément ou les unes après les autres, l'elfe au front ceint par un cercle orné d'une pierre verte avait-elle traversées, pour être si étrangement calme ? Ou plus simplement l'elfe au teint clair était-elle absolument indifférente à sa propre sécurité ? Ce qui était certain en la voyant, c'est que cette elfe ne s'effrayait pas des informations qui parvenaient jusqu'à ses fines oreilles pointues, ni de celles qui étaient tout aussi éloquentes dans les instants suspendus de l'humaine au bleu regard.

Aux présentations, les yeux elfiques eurent une expression des plus radieuses, et la rouquine s'inclina avec toute la grâce et la délicatesse marquant ses origines.
Puis, se redressant légèrement, elle tendit à son tour, d'un geste des plus élégants, sa main en direction de celle qui venait de prononcer son nom. Sans doute qu'elle n'aurait pas la même fermeté de poigne mais cette main qui lui répondait ne manquerait assurément pas, à voir l'expression générale de la rouquine, d'être absolument chaleureuse.

"Je me nomme Idamade, très humble prêtresse."

Les instants de la prononciation des noms devaient lui être bien précieux, car la rouquine se garda bien de les charger par d'autres paroles qui paraissaient pourtant brûler ses lèvres rosées.

Une mer turquoise, avec des reflets bleus intenses et profonds selon les endroits où se pose et se retire l'éclat de l'astre solaire...un sable blanc sous la lumière la plus puissante, et jaune clair à l'ombre des palmes...

La Nature chantait par ses couleurs changeantes en cette plage derrière laquelle une cité avait été bâtie.

Et les parfums...exquis et tout aussi variés sur les étals des vendeurs.

Les yeux bleu-gris de la rouquine se portaient en toutes les directions, examinant plus particulièrement les elfes présents et les autres êtres les plus beaux et les plus gracieux parmi l'assemblée, lançant à certains et à certaines des regards charmeurs et engageants, le tout en pressant son avancée pour ne pas perdre de vue la magnifique et si accueillante blonde...et pour ne pas se perdre non plus, sans doute !

Arrivées près de l'auberge, l'elfe au teint clair sourit et s'adossa quelques instants contre la pierre de la construction, caressant d'un geste élégant et suave le minéral de ses murs...son expression parut alors pour la première fois inquiète et mélancolique.

Secouant sa tête fine légèrement comme l'aurait fait un petit chiot, l'elfe suivit à nouveau l'humaine dans la ruelle étroite.

Se dirigeant en direction de la bibliothèque la rousse répondit, de nouveau songeuse...

"De la contrebande...quelle sorte de contrebande ?

Oui, j'aurai à retourner là où il y a tant de monde...et même...assez rapidement."

L'elfe se mordit alors légèrement ses radieuses lèvres rosées.

"J'y ai vu un animal sauvage captif...magnifique, puissant et furieux, se débattant dans les liens qui le maintiennent captif...
Cela me serre le coeur de l'avoir vu ainsi...car j'ai entendu parler d'arènes lors de ma traversée entre les étals et je crains qu'il soit destiné à un combat qui me ferait horreur.
A moins que cela ne soit sa fourrure si superbement tachetée qui fasse sa valeur.
Dans l'une ou l'autre de ces éventualités, cet être à la vie si grandiose me semble condamné si personne n'agit pour lui...d'autant plus que ce fauve me semblait souffrir de faim et de soif."

Après un long soupir...

"Donc, vous avez prononcé le mot Bracegirdle, nous sommes à Bracegirdle ? C'est nom de cette cité ?

Pardonnez mon ignorance...mais que signifie être paladin ? Dans le domaine d'où je viens ce mot n'a jamais été prononcé en ma présence.

Et...vous avez parlé de Dieu...quel est ce Dieu ?"

Beaucoup de questions...l'elfe rouquine au regard toujours teinté de tristesse poursuivit :

"Et qu'appelez-vous autre monde ?"

Enfin, elle conclut par ces phrases étranges...regardant derrière d'elle, encore plus soucieuse...

"Mais où est-elle donc ? Elle aurait déjà du me rejoindre ou me suivre !"

Sur ces dernière paroles, l'elfe au front orné d'une petite émeraude sifflota d'un son à la fois doux et sonore une mélodie des plus harmonieuses.

Image : Jean-Baptiste Oudry
Description complète

A peine la rouquine avait-elle achevé sa mélodie sifflée que des petits gloussements se firent entendre...d'abord éloignés puis de plus en plus proches...

La blonde humaine sentit alors comme un vent derrière elle, avant que ses chevilles ne soient caressées un bref instant par la plus douce queue touffue qu'on puisse imaginer.

En point davantage de temps qu'il n'en fallut à la surprise, un renard de toute beauté qui tenait entre ses petites dents pointues plusieurs tranches de viande séchée se roulait langoureusement aux pieds de l'elfe rousse à la fine tunique verte émeraude...

Un renard ou une renarde...

En effet la créature avait été tellement rapide qu'il était difficile pour qui la voyait pour la première fois de deviner en des instants si courts.

Mais, à mieux regarder l'animal, malgré ses tortillements et ses roulages, à sa finesse...une renarde ?

Le visage de la rouquine eut quelques instants une expression mitigée et perplexe.

Puis l'elfe eut un petit rire mélangé, à la fois amusé et confus.

"Goupile... Toi aussi tu contrebandes ? Cette viande séchée...tu n'as pas pu la chasser.

Je ne pense pas que tu aies été vue, heureusement..."

Murmura l'elfe aux yeux gris-bleu en direction du petit être qui frottait ses jambes fines de sa chaleureuse fourrure aux reflets cuivrés.

Et l'elfe aux lèvre rosées soupira, soucieuse.

"Comment te faire comprendre..."

Enfin lorsqu'elle se baissa pour prendre l'animal dans ses bras, l'elfe rousse regarda la belle bonde avec des yeux suppliants.